Savez-vous ce qui me fait très peur à titre personnel ? Avez-vous une idée de ce qui m’effraie au plus haut point ?

La maladie d’Alzheimer.

Alors oui, je vous vois venir. Je suis jeune, je n’ai que 26 ans, je suis bien loin de tout ça. Mais… Détrompez-vous ! L’Alzheimer précoce existe bel et bien. D’ailleurs, à ce propos, je vous recommande le magnifique ouvrage de Mélissa Da Costa, Tout le bleu du ciel. J’ai adoré ce roman que j’ai trouvé exceptionnel de beauté.

Cette maladie me terrorise car, selon moi, les souvenirs sont les plus belles choses produites par l’être humain. Un souvenir est la preuve que nous vivons et existons. Qu’ils soient mauvais ou bons, nos souvenirs personnels nous sont globalement très précieux.

C’est pour ça qu’il est très important à mes yeux d’écrire tout ce que l’on vit. Même s’il s’agit d’une anecdote ridicule ou anodine.

Un jour, je relisais mes vieux journaux, et je suis tombée sur le tout premier. J’avais alors 12 ans. J’avais raconté l’une de mes journées au collège, en évoquant un fou rire que j’avais vécu en cours de sport, avec mes amies de l’époque. Un simple fou rire. Ce n’est rien, un fou rire. Absolument rien.

Et pourtant, relire cette anecdote m’a rappelé cet événement que j’avais complètement oublié. Ma mémoire l’avait occulté puisqu’il n’était pas si important.

Ces petits moments de joie ou de peine sont essentiels. Ils symbolisent l’essence même d’une vie, construite avec de petits instants anodins et pourtant incroyables d’authenticité.

Le confidentiel a le pouvoir de laisser une trace de votre histoire à travers le temps. De garder au sein de ses pages vos souvenirs. De conserver la mémoire d’une vie. De lutter contre le gouffre de l’oubli.

Depuis 2009, j’ai rempli une vingtaine de cahiers. Il y a des périodes où j’écris plus que d’autres. Pour autant, à chacune de mes relectures, je redécouvre des pensées oubliées. Des joies, des pleurs, des peines, des sourires, des coups de gueule, des ras-le-bol… Et ça me fait du bien. Un bien fou, même. Je relis ma vie avec un regard de jeune adulte et je suis heureuse d’avoir conservé tous ces moments.

Alors oui, l’Alzheimer me fait peur, bien que je sois encore jeune pour ça.  Mais il y a aussi l’amnésie traumatique. Cela peut arriver. Alors, si je viens un jour à oublier mon histoire, je veux en garder une trace écrite. C’est en cela que les cahiers intimes sont prodigieux.

Dans le film N’oublie jamais (peut-être l’avez-vous vu ?), Allie est touchée par la maladie d’Alzheimer. Son mari, Noah, lui relit encore et toujours, inlassablement, le même livre. Ce livre, c’est Allie qui l’a produit lorsqu’elle a appris sa maladie. Elle y a consigné sa vie. Ses sentiments. Son histoire d’amour.

Pourquoi a-t-elle fait ça ? Tout simplement pour ne jamais totalement oublier. Pour garder une trace de qui nous sommes et de qui nous avons été.

C’est en ça que le pouvoir du journal intime est infini. Il fixe les souvenirs à travers le présent et l’avenir. Le temps passe, mais rien ne s’efface…